Le vin commence par un paysage.
Vieille vigne envahie par les herbes, plantiers conduits comme des jardins royaux, parcelle confidentielle, cette série s’inscrit en écho des doutes et des controverses, des passions et des luttes du monde viticole.
UN PEU PLUS QUE LE RÉEL.
Certains appareils photo ou logiciels nous offrent depuis quelques années la possibilité de réaliser des images panoramiques parfaites. Dans cette série dédiée aux paysages viticoles, j’ai choisi de travailler avec les décalages, les imperfections, les raccords improbables. Délaissant la continuité parfaite des lignes et les lissages impeccables des dégradés, je leur préfère les juxtapositions brutes.
Au premier coup d’œil, on peut ne voir dans certaines photos qu’un simple paysage. En s’attardant, des fractures, des ruptures apparaissent, on découvre des répétitions. Dans ces paysages reconstruits il y a toujours, d’une manière évidente ou plus subtile, un peu plus que le réel.
Mes paysages assemblés vibrent l’un contre l’autre, résonnent l’un pour l’autre. On piste les concordances, les dissonances, les points de passage. Le regard s’aiguise pour que le paysage livre sa complexité. Parfois un vigneron est là, sur d’autres images un verre, un mur de cave, car dans mon approche les paysages se conçoivent de la vigne au vin.
SÉLECTION.
Je ne cherche pas des paysages spectaculaires ou grandioses, mais des paysages impressionnants, au sens premier. Ils m’impressionnent profondément, je les ressens avant de les photographier.
Alors, comme le vigneron sélectionne une parcelle pour la vinifier, je délimite mon champ d’observation. Plus qu’un point de vue c’est un point de départ. Je choisis un cadrage simple, engagé, pour laisser au paysage sa complexité.
ASSEMBLAGE.
Strié, vallonné, traversé par des routes et les machines, habité, je m’attarde sur cet espace ainsi délimité. Je le découpe avec l’appareil photo, pressentant les heurts ou les passages possibles d’un cadrage à l’autre. Je peux me déplacer d’un pas ou deux, monter ou baisser le trépied, pour accentuer les lignes qui ensuite s’assembleront ou s’opposeront. Parfois je décale la mise au point, le paysage existant de loin, dans son immensité, comme de près, au travers des détails qui le composent.
Plus tard avec l’ordinateur, comme dans la concentration d’une dégustation, je procède à l’assemblage. Parfois cela crée un nouveau, un autre paysage. Un vin réussi porte l‘empreinte de son terroir d’origine, l’image traduit le ressenti sincère d’un espace.